Neutronic Aspects of Reactor Systems for Transmutation
CEA, France
Résumé
Le but de la transmutation est de réduire la masse et l'inventaire radiotoxique des déchets à vie longue. En France, la loi votée en 1991 sur cette question a engendré beaucoup de R&D. Cet article conclut, du point de vue du CEA, à la faisabilité scientifique, en se basant principalement sur des considérations neutroniques.
Le rendement de la transmutation des déchets dépend initialement de deux paramètres clés : les sections efficaces et le niveau de flux neutronique. L'analyse neutronique réalisée sur les sections efficaces des actinides montre que, indépendamment du type de réacteur considéré (critique, sous-critique, nature de caloporteurs ...), le spectre des neutrons rapides permet de minimiser les réactions de capture des neutrons et favorise les réactions de fission pour l'ensemble des actinides. Dans le spectre thermique, au contraire, les éléments considérés sont essentiellement capturants et la fission ne peut être obtenue que pour un nombre plus limité d'isotopes, intervenant après une suite de captures de neutrons, ce qui pénalise le bilan neutronique d'ensemble. Le niveau de flux neutronique présent dans le coeur définit la vitesse de transmutation et donc les performances obtenues à chaque passage du combustible dans le réacteur.
Dans le cas des réacteurs de type REP, les conclusions sont les suivantes :
- Les quantités admissibles d'actinides mineurs dans le coeur restent faibles (autour de 1 % en masse),
la présence d'actinides mineurs exige un surenrichissement défavorable en U235 et a une incidence sur la gestion du plutonium,
- le taux de fission des actinides mineurs atteint environ 5 à 10 % par cycle, ce qui rend nécessaire le multirecyclage,
- le recyclage du curium est à éviter, car il produit en particulier du Cf252, source intense de neutrons.
Dans le cas des RNR, les conclusions sont les suivantes :
- les quantités admissibles d'actinides mineurs dans les combustibles s'élèvent à 2,5 % et à 5 % en masse, en fonction des différents concepts,
- le taux de fission des actinides mineurs atteint environ 15 à 30 % par cycle. Un mode dédié (cible modérée) peut atteindre un taux de fission de 90 %, évitant ainsi le multi-recyclage,
- le recyclage du curium produit du Cf252, mais à un niveau bien plus faible que dans les REP, et ne pose donc pas de problème particulier.
Dans le cas des systèmes ADS (Accelerator Driven System), leur mode de fonctionnement en sous-critique rend possible :
- une marge de sûreté contre les augmentations accidentelles de réactivité, permettant ainsi de prendre en compte des charges importantes en actinides mineurs, dont le niveau de contre-réactions (effet Doppler) et la proportion de neutrons retardés seraient rédhibitoires dans le cas de coeurs critiques,
- l'acceptation d'une plus grande variation de la composition isotopique du combustible, liée à la transmutation au cours du cycle, étant donné que le système n'est plus contraint par le respect de la criticalité tout le long du séjour du combustible dans le réacteur.
Dans le cas des produits de fission à vie longue, les conclusions sont les suivantes :
- la transmutation des produits de fission à vie longue a été évaluée dans le cas du Tc99, de I'I129 et du Cs135.
- Comme les produits de fission à vie longue sont purement capturants de neutrons, leur transmutation en réacteur consomme une quantité très importante de neutrons.
Les études ont montré que la transmutation en REP et en RNR paraît impossible dans le cas du césium 135 sans une séparation isotopique préalable, ce qui est très difficile à mettre en oeuvre.
Dans le cas de l'iode 129 et du technétium 99, l'option la plus attractive consisterait à les intégrer dans des cibles qui se trouveraient à la périphérie d'un coeur de réacteur à neutrons rapides. Même dans ce cas de figure, les vitesses de transmutation restent faibles et la transmutation de l'iode et du technétium exige un nombre important d'opérations de recyclage sur des périodes longues afin de parvenir à un résultat somme toute modeste.
Afin d'évaluer les capacités de transmutation des réacteurs nucléaires, on fait appel à des logiciels de calcul qui permettent de reproduire les phénomènes physiques intervenant dans le coeur. Ces logiciels de neutronique s'appuient sur trois sous-ensembles dont la qualité définit le niveau d'incertitude des résultats des calculs :
- "des bibliothèques de données", élaborées à partir de fichiers internationaux de données nucléaires,
- des programmes ou des codes de calcul qui intègrent différents modèles physiques et numériques,
- des expériences de qualification.
Sur la base des outils de calcul existants, qui ont été élaborés et qualifiés pour des applications dans des réacteurs classiques, des développements et des ajouts ont été réalisés au niveau de chaque sous-ensemble afin de répondre aux spécificités des réacteurs étudiés pour la transmutation des déchets.
Plusieurs mesures nucléaires intéressantes pour la transmutation ont été réalisées ces dernières années, la plupart dans le cadre de projets de coopération faisant intervenir le CEA, le CNRS et des universités ou dans le cadre de projets internationaux.
Ces travaux ont permis d'accomplir des progrès considérables dans la simulation de coeurs chargés de radioéléments à vie longue. On attend encore quelques résultats dans le cadre des programmes expérimentaux particuliers.
Dans une phase de projet détaillé, il serait nécessaire d'assurer une amélioration des précisions et une validation plus poussée des modèles nucléaires et des données utilisées dans les calculs afin de répondre aux exigences d'un projet d'ingénierie. Néanmoins, ces modèles et ces données permettent aujourd'hui de réaliser des calculs préliminaires, dont les résultats et les tendances sont pertinents et crédibles dans le cadre d'études de scénarios prospectifs.
© SFEN 2006