The Chronic Exposure Case
Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, France
Résumé
Même si elle constitue le cas le plus important pour les populations humaines et pour l'environnement, l'exposition chronique et à très bas niveau est surtout une "terra incognita" de la radioprotection. Certes, il n'y a pas de menace immédiate mais nous devons anticiper la généralisation des applications nucléaires, qui pourrait progressivement augmenter le niveau de bruit de fond de certains produits radioactifs artificiels. Nous devons également mieux estimer l'impact de processus industriels comme la gestion des déchets, ce qui exige une connaissance améliorée des effets à long terme d'expositions prolongées.
Malheureusement, les données scientifiques dans ce domaine sont rares. L'épidémiologie n'est d'aucune aide car les risques très faibles ne peuvent être étudiés que sur des populations importantes, qui ne sont pas à notre disposition. Les résultats de laboratoire sont rares également, parce que les recherches en radioprotection ont surtout été consacrées jusqu'à maintenant aux expositions aiguës et aux contaminations importantes. Même les données obtenues sur le terrain telles que celles de Tchernobyl sont d'une utilité limitée.
L'indice de risque "classique" en radioprotection est la "dose". Il est fondé sur de nombreuses hypothèses, comme l'homogénéité de la répartition tissulaire du toxique, le peu de différence entre exposition brève et exposition étalée sur toute la vie, la linéarité de la relation dose-effet et l'équivalence des différents types de rayonnement, qui sont toutes problématiques. Est-ce qu'une exposition instantanée est vraiment comparable à une exposition chronique et à faible débit ? Quid des réactions de défense des organismes ? Est-ce qu'une exposition gamma provenant d'une source externe est comparable à une exposition interne provenant d'un émetteur alpha ou bêta ? Quelques indications laissent penser que les organismes peuvent tolérer une exposition gamma homogène importante lorsque le débit de dose est faible. Cependant, l'analogie avec la toxicologie suggère que des contaminations internes pourraient être nuisibles pour des quantités de produits toxiques faisant intervenir des quantités d'énergie bien plus faibles que ce qui est considéré comme négligeable dans le cas de la radioactivité. Cela pose donc la question de la validité du concept de dose basé sur l'énergie déposée dans les tissus. Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation où nous estimons qu'une exposition chronique pourrait s'avérer sans conséquences dans la plupart des cas, mais nous ne sommes pas en mesure de prouver que c'est toujours vrai.
Bien que la connaissance des processus biochimiques fondamentaux des cellules soit une voie importante pour comprendre les dégâts radiologiques et leur réparation, l'IRSN a opté pour une approche plus globale faisant appel à l'écologie et à la toxicologie. Nous étudions un ensemble d'organismes (algues, poissons, mollusques, plantes, rongeurs...) qui sont soumis à différents types d'exposition chronique à des contaminants radioactifs. Les méthodes ont d'abord été testées dans le cas de l'uranium. Les premiers résultats montrent que l'exposition chronique se traduit par des réactions physiologiques spécifiques et non linéaires, quelques cas semblent même montrer que la charge radioactive de certains organismes pourrait diminuer alors que l'apport quotidien de contaminant reste constant.
© SFEN 2006