Les réactions redox dans les barrières ouvragées en béton, leur catalyse microbienne et l’impact sur la spéciation des radionucléides
Introduction et état de l’art
ANDRA, Direction de Recherche et de Développement
Pour simuler le comportement des radionucléides (RN) dans les alvéoles de stockage dans le temps et dans l’espace, il faut connaître leur spéciation chimique. Le 14C dans sa forme réduite (méthane, CH4) n’a pas le même comportement que sous ses formes oxydées (i.e. bicarbonate, HCO3 -). De même, le tritium sous forme réduite gazeuse, HT, ne se comporte pas de la même façon que l’eau, sa forme oxydée (HTO). Pour les autres RN tels que l’U, Se, Tc, Np, Pu,… l’impact est moins frappant car le changement de l’état redox n’implique pas forcément un changement de phase, mais un changement au niveau de la solubilité et/ou de la sorption, donc de la mobilité [1, 2]. En règle générale la forme oxydée est plus mobile que la forme réduite. L’impact du potentiel redox peut également être indirect par le biais d’éléments majeurs tels que le Fe ou le Mn dont le comportement change progressivement lors des transitions redox.
Les alvéoles de stockage de déchets radioactifs de faible et de moyenne activité sont caractérisées par la présence de béton et d’acier (colis et barrière ouvragée. La matière organique est également présente en tant que déchet (i.e. résine échangeuse, cellulose), sous forme de matrice de stabilisation (i.e. bitume) et comme adjuvent en quantité non négligeable. Les aciers présents dans le ferraillage des bétons et constituant l’enveloppe de certains colis de déchets peuvent également servir d’agents réducteurs au même titre que le Fe(0) ou que certains oxydes de Fer (magnétite et rouille verte notamment). Le gaz d’hydrogène peut se former par radiolyse [3] ou par corrosion anaérobique [4]. Il y a donc deux donneurs d’électron en présence massique qui peuvent participer aux réactions redox dans un environnement à pH alcalin tamponné par la présence de ciment. L’oxygène, présent lors de la phase d’exploitation, est consommé rapidement après fermeture et ne diffuse plus de manière significative vers les alvéoles de stockage [5] ; les nitrates ou le Mn(IV) ne sont présents en quantité signifiante que dans les cas spécifiques. Le Fe(III), les sulfates, les carbonates et l’eau sont donc susceptibles de devenir les accepteurs d’électrons (oxydants) principaux, présents dans les déchets, les bétons et armatures ou la roche hôte, pour contrôler in fine le potentiel redox global de l’alvéole de stockage. Il est de plus en plus évident que les transferts d’électrons entre les accepteurs et les donneurs d’électrons disponibles dans les alvéoles de déchet (sauf couple FeIII/FeII) sont catalysés par un métabolisme microbien [6]. Le besoin de mieux comprendre le rôle catalytique d’une activité microbienne sur les réactions redox est également lié aux questions de dégradation microbienne de la matière organique complexe (i.e. polymères, cellulose) [7]. La quantification des réactions redox se déroulant dans les systèmes alcalins des alvéoles impliquant le Fe0 (i.e. les aciers), l’H2 et la matière organique comme donneur d’électrons et les nitrates/sulfates (si présents) ainsi que les carbonates et l’eau, doit prendre en considération de manière explicite ce rôle catalytique d’une activité métabolique microbienne. Il y a pléthore d’analogues naturels pour tester notre compréhension phénoménologique et valider les outils de simulation, mais peu pour les systèmes à pH alcalin. Avec de l’H2 presque omniprésent comme source d’énergie, des composants nutritifs essentiels et des traces présents dans l’alvéole (i.e. déchet et/ou ciment), de l’eau et de l’espace à disposition, ce sera essentiellement le pH élevé du milieu béton qui deviendra le paramètre clef pour évaluer une activité micro - bienne. La disponibilité de l’eau et de l’espace sont fonction de la profondeur, de l’architecture et du degré de resaturation.
Cet article passe en revue l’impact des oxyanions sur l’état redox du champ proche d’une alvéole de déchet en prenant en compte des aciers et produits de corrosion ainsi que la matière organique comme donneurs d’électron. Une considération particulière sera donnée à la connaissance d’activité microbienne dit alcaliphile, présent à pH élevé. Quelques cas d’étude seront développés pour des RN sensibles au changement de redox en situation de stockage profond et de surface. Ces informations sont les données d’entrée d’études expérimentales en cours sur la réactivité des nitrates avec la matière organique et/ou l’H2 dans les alvéoles de stockage pour les déchets bitumineux [8].
© SFEN 2013